Économétrie — TD 8

Tests de normalité & mise en pratique (Jarque–Bera)

Author

Pierre Beaucoral

1 Introduction

À quoi sert la normalité ?
Si les résidus ne sont pas normaux, les statistiques classiques (t, F) ne suivent plus exactement les lois théoriques de référence. Le niveau nominal du test — par exemple 5 % — n’est alors plus garanti : la probabilité réelle de rejeter à tort l’hypothèse nulle (erreur de première espèce) peut être plus élevée que 5 %. En d’autres termes, on croit contrôler le risque de faux positif, mais il est en réalité mal calibré : on peut conclure qu’un coefficient est « significatif » alors que ce n’est qu’un artefact de la distribution anormale des erreurs. C’est précisément pour éviter ce gonflement du risque de première espèce que l’on vérifie la normalité ou, à défaut, qu’on emploie des méthodes d’inférence robustes

2 Rappel — Jarque–Bera (JB)

On note \(\eta\) la skewness (asymétrie) et \(\nu\) la kurtosis (aplatissement). Pour un échantillon de taille \(N\) : \(\boxed{\ JB = N\left( \tfrac{\eta^2}{6} + \tfrac{(\nu-3)^2}{24} \right)\ }\ \quad\leadsto\ \chi^2(2) \text{ sous } H_0: \text{normalité.}\)

  • Sous normalité : \(\eta=0\) et \(\nu=3\) \(\Rightarrow JB\approx 0\).
  • Décision 5 % : rejeter \(H_0\) si \(JB>5.991\) .

2.1 Intuition visuelle

  • \(\eta\neq 0\) : distribution asymétrique (queue plus longue d’un côté).
  • \(\nu>3\) : queues épaisses (beaucoup d’outliers) ; \(\nu<3\) : aplatie.

3 Carte de décision JB (interactive)

Figure 1: Carte des valeurs de JB dans le plan (η, ν). Cercles jaunes : seuils 5% (plein) et 1% (pointillé).

3.1 Plusieurs cas « régression » simulés

Figure 2: Points simulés : vert = normalité non rejetée (5%), rouge = rejet.

4 QQ‑plot et histogramme des résidus

Figure 3: À gauche : QQ‑plot vs N(0,1) ; à droite : histogramme avec densité normale.

Ce graphique combine deux diagnostics de normalité: À gauche – QQ-plot (quantile-quantile)

  • Les points noirs devraient s’aligner sur la droite si les résidus suivent une loi normale.

  • Ici, les points des extrémités sont nettement au-dessus (en haut à droite) et en dessous (en bas à gauche) de la droite de référence.

    → Cela traduit des queues plus épaisses que la normale : beaucoup de valeurs extrêmes.

À droite – Histogramme + courbe de densité normale

  • L’histogramme bleu représente la distribution empirique des résidus.

  • La courbe noire est la densité normale ajustée (même moyenne et variance).

  • On observe un pic très marqué au centre en théorie (courbe noire), moins en pratique et des queues plus longues que la courbe noire.

    → Davantage de valeurs extrêmes que prévu sous normalité.

Conclusion

Les deux panneaux concordent : la distribution n’est pas bien approximée par une normale.

Dans ce contexte, les tests t/F basés sur la normalité risquent d’avoir un niveau de première espèce mal calibré ; il faut envisager des erreurs-types robustes ou une spécification de modèle différente.

5 Pas‑à‑pas (EViews)

  1. Estimez le modèle par MCO.
  2. View → Residual Diagnostics → Histogram – Normality Test (JB + p‑value).
  3. Si besoin, produisez QQ‑plot + histogramme.
  4. Comparez les résultats par sous‑échantillons si le module le demande (ex. seuil sur une variable de revenu).

6 Que faire si la normalité est rejetée ?

  • Inspecter les outliers / points influents.
  • Revoir la spécification (termes non linéaires, interactions, logs).
  • Employer des écarts‑types robustes (White/HAC) pour sécuriser les tests t/F malgré la non‑normalité.
  • En dernier recours : transformations (log, Box–Cox) ou méthodes robustes (Huber, quantile).

7 À retenir

  • JB combine asymétrie et aplatissement pour tester la normalité.
  • La carte JB et les QQ‑plots sont complémentaires pour comprendre la nature de la déviation.
  • En pratique, on soigne l’inférence avec erreurs‑types robustes et un regard critique sur la spécification.